Dans les rues de Dakar, comme dans les coins les plus reculés du pays, il n’est plus rare de voir de jeunes Sénégalais, les yeux rivés sur leurs écrans, absorbés par un flot incessant de vidéos TikTok. Ce qui devait être un simple espace de divertissement est devenu un puissant outil de distraction de masse, au point de poser aujourd’hui un véritable enjeu de société.
Une jeunesse connectée mais désorientée
Le Sénégal est un pays jeune. Très jeune. Plus de 70 % de sa population a moins de 30 ans. Cette jeunesse, avide de modernité, s’est emparée avec enthousiasme des réseaux sociaux, en particulier de TikTok. Accessible, viral, engageant, le format court plaît. Mais à quel prix ?
Des heures entières passées à scroller des vidéos sans but, à participer à des défis futiles, à chercher la validation à travers des likes. Pendant ce temps, l’esprit critique s’éteint, la concentration s’effondre, la créativité se dilue.
Ce n’est pas un simple loisir : c’est une dépendance numérique qui se propage silencieusement.
Un outil d’aliénation moderne ?
En tant que consultant en cybernétique et sécurité, je constate que TikTok, loin d’être neutre, repose sur des mécanismes sophistiqués de captation de l’attention, alimentés par l’intelligence artificielle. L’algorithme vous connaît mieux que vous-même. Il vous donne ce que vous aimez, ou ce qu’il veut que vous aimiez. Et petit à petit, vous ne choisissez plus : vous consommez ce qu’on vous pousse.
Dans notre contexte africain, et particulièrement sénégalais, cela pose un problème grave. Car pendant que des millions de jeunes perdent leur temps dans des contenus vides de sens, les véritables défis du pays — éducation, emploi, innovation, souveraineté technologique — sont négligés.
Une arme douce au service d’intérêts étrangers ?
TikTok est une application d’origine chinoise. Elle obéit à une logique qui n’est pas celle de nos sociétés africaines. En Chine, les jeunes ont accès à des contenus filtrés, éducatifs, valorisants. En Afrique ? Ce sont les contenus absurdes, provocateurs, parfois destructeurs qui sont mis en avant. Pourquoi cette différence ?
Nous devons ouvrir les yeux : TikTok n’est pas un simple outil de divertissement. C’est un levier d’influence globale. Et dans une Afrique encore en construction, cette influence peut fragiliser notre jeunesse, manipuler ses désirs, contrôler ses comportements.
Construire une jeunesse numérique responsable
Il ne s’agit pas d’interdire TikTok, ni de rejeter la modernité. Mais de prendre conscience. De comprendre que chaque minute passée à consommer passivement est une minute volée à l’apprentissage, à la création, à l’action.
Nous devons enseigner à nos jeunes à reprendre le contrôle, à utiliser la technologie comme un tremplin, pas comme une prison. À créer du contenu utile, à raconter leur histoire, à innover plutôt qu’imiter.
Car si TikTok devient l’opium de la jeunesse sénégalaise, alors il est urgent de proposer un antidote : l’éducation, la conscience numérique, et la réappropriation de notre avenir.