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Les prête-noms au FONGIP démasqués, la Section de recherches frappe au cœur de la mafia


 
La Section de recherches (Sr) de Dakar a encore frappé au cœur de la mafia qui se nourrissait des prêts du Crédit mutuel du Sénégal (Cms), garantis par le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip). Certains « bénéficiaires », qui ignoraient totalement les montages en cours, servaient en réalité de prête-noms pour détourner ces fonds. C’est ce que révèle le journal Libération dans son édition d’hier.
Dans ses aveux confiés aux gendarmes, Abdou Mati Seck est passé à table et a largement contribué à confondre son complice, Ndiaw Kane. Le mis en cause raconte ainsi : « Même ma mère lui a remis la copie de sa pièce d’identité, car Abdou Mati Seck n’a jamais mentionné l’existence d’un prêt. Après la remise de nos différentes pièces, dont je ne me rappelle plus la date précise, j’ai reçu un appel d’Abdou Mati Seck. Il m’a fait savoir que l’argent était disponible. Nous sommes partis le retirer ensemble. Sur la route, il m’a demandé de me présenter comme un vendeur de fruits, réalisant un chiffre d’affaires de 50.000 Fcfa par jour. Une fois à l’agence, j’ai reçu l’argent du Crédit mutuel du Sénégal. Abdou Mati Seck était stationné à l’entrée pour le récupérer. Je lui ai remis l’intégralité de la somme. Ce n’est qu’à la Section de recherches que j’ai su qu’il avait touché une commission de 6 millions de Fcfa. »
Le journal Libération précise que ces informations sont corroborées par les déclarations de Marèma Dieng et de Ndèye Sarr.
Abdou Mati Seck aurait ensuite invité ses complices à élargir l’opération en recrutant d’autres prête-noms. Il aurait alors approché Ndèye Sarr et Marèma Niang pour obtenir leurs pièces d’identité. D’après les éléments recueillis par la Sr, c’est Ndiaw Kane qui aurait orchestré la signature d’un prêt de 4 millions de Fcfa au profit d’un prête-nom, en l’occurrence un cousin. Lorsque la caissière de l’agence Cms de Bambey lui a expliqué que les remboursements devaient commencer sous deux mois, Abdou Mati Seck a rassuré son complice en lui affirmant que « l’argent n’était en aucun cas remboursable » et en lui remettant 30.000 Fcfa en guise de gratification.

Des « bénéficiaires » qui touchaient des miettes

Plusieurs « bénéficiaires » ignoraient même avoir contracté un prêt. Ils n’avaient perçu que des miettes, souvent à peine 30.000 Fcfa, alors que les montants retirés étaient colossaux. Libération souligne ainsi que la mafia des prêts-Fongip exploitait systématiquement des personnes vulnérables.
Lors de son audition par la Sr, Ndèye Sarr, domiciliée à Yeumbeul, a livré des révélations accablantes sur un prêt de 3 millions de Fcfa contracté à l’agence Cms des Parcelles assainies. Présentée par son amie Marèma Dieng, elle s’est rendue à l’agence munie de son certificat de résidence et de sa pièce d’identité. Son compte bancaire a été ouvert et une somme de 3,6 millions de Fcfa a été déposée. L’intégralité des fonds fut remise à Ndiaw Kane, qui l’attendait devant l’agence. Selon ses dires, elle n’a gardé que 250.000 Fcfa. Lors de la confrontation avec Ndiaw Kane et Abdou Mati Seck, elle a maintenu ses déclarations.
Convoqué le 16 juin 2025, Ndiaw Kane s’est présenté aux enquêteurs. Il a tenté de se défausser en impliquant un certain El Hadji Dia, présenté comme ambassadeur itinérant et agent comptable à l’Université Assane Seck de Ziguinchor. Selon lui, c’est Dia qui aurait mis en place ce réseau. Toutefois, Libération révèle que les réquisitions téléphoniques établissent que Ndiaw Kane bornait bien à proximité de l’agence du Crédit mutuel le 20 avril 2023, jour du retrait de plusieurs millions de Fcfa par Ndoumbé Seck, Marèma Dieng et Ndèye Sarr.
L’affaire est née d’une plainte déposée par l’Union des caisses du Crédit mutuel du Sénégal (Uccms). Le 21 avril 2021, l’Uccms avait signé avec le Fongip une convention destinée à renforcer l’entreprenariat via le programme « Xëyu Ndaw Yi ». Selon Libération, l’Uccms s’était engagée à garantir des financements auprès de ses membres, présélectionnés par le Fongip, et validés par le Cms, dans le respect des règles de crédit en vigueur. La convention autorisait également le Cms à prélever les sommes dues sur la garantie, en cas de défaillance de remboursement.

La mise en cause des prévenus

Le journal Libération précise que le Cms a déposé plainte après avoir constaté que de nombreux dossiers de prêts avaient été détournés au profit d’une mafia bien organisée. En réalité, les bénéficiaires réels n’étaient que de simples prête-noms, choisis pour permettre aux véritables instigateurs de récupérer les fonds en espèces.
Abdou Mati Seck, Ndèye Sarr, Ndiaw Kane, Ndoumbé Seck et Marèma Niang ont été déférés au parquet de Dakar. Les chefs d’inculpation retenus sont : association de malfaiteurs, escroquerie, complicité d’escroquerie et détournement de prêts garantis par l’État.
Toujours selon Libération, lors de son audition, Ndoumbé Seck a confié avoir approché Ndiaw Kane pour obtenir un prêt. « J’ai retiré 6 millions de Fcfa que j’ai remis à Abdou Mati Seck, qui m’a donné seulement 30.000 Fcfa », a-t-elle avoué. Quant à Ndiaw Kane, il a nié toute implication directe dans le montage, rejetant les accusations portées contre lui par Abdou Mati Seck et Ndoumbé Seck. Mais les éléments téléphoniques obtenus par les gendarmes démontrent bien sa présence sur les lieux lors des retraits frauduleux.
Ainsi, l’enquête menée par la Sr, rapportée en détail par Libération, met en lumière un vaste réseau de détournement de prêts, dans lequel de nombreux intermédiaires ont servi de paravent pour vider les caisses du programme « Xëyu Ndaw Yi ».
senenews





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« Une position incohérente et hypocrite », Capitaine Touré recadre Me Youm après sa déclaration sur l’amnistie

L’ancien capitaine de la gendarmerie et actuel Directeur général de l'Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité (ASP), Seydina Oumar Touré, a vivement critiqué la récente prise de position de Me Oumar Youm, ancien ministre sous le régime de Macky Sall.

S’exprimant sur la polémique autour de la loi interprétative qui sera soumise au vote le 2 avril à l’Assemblée nationale, Seydina Oumar Touré s’étonne de l’attitude de l’ancien ministre, qu’il juge contradictoire avec son propre engagement politique. « J’ai parcouru le texte de Maître Oumar Youm, ancien ministre du Président Macky Sall. Je trouve sa position très paradoxale, c’est à la limite une négation de son appartenance politique », a-t-il déclaré.

Me Youm, de son côté, dénonce cette loi interprétative qu’il considère comme une reconnaissance implicite des crimes et délits imputés aux membres du PASTEF. Il estime qu’au lieu d’abroger la loi d’amnistie promise, le pouvoir en place propose un texte « indigeste » visant, selon lui, à protéger des « délinquants » au détriment de ceux qui ont défendu la République.

En réponse, Seydina Oumar Touré remet en question la cohérence de la démarche de Me Youm, rappelant que cette loi a été adoptée sous son propre gouvernement. « Faire voter une loi par son parti en marge des canaux appropriés, en moins d’une année, et ‘espérer’ son abrogation, tout en reprochant au régime en place de ne pas l’avoir abrogée, me paraît incroyablement incohérent et foncièrement hypocrite », a-t-il asséné.

Allant plus loin dans son analyse, l’ancien officier de la gendarmerie accuse l’ancienne majorité, aujourd’hui dans l’opposition, de manquer de respect au peuple sénégalais. « Aujourd’hui plus que jamais, le pouvoir de jadis, opposition actuelle, repousse inexorablement les limites de l’irrespect et du manque de considération vis-à-vis du peuple souverain », a-t-il conclu.